Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Auteur
    Articles
  • #12032
    SolUsagersPsy
    Participant

    Depuis quelques années, les usagers semblent être moins infantilisés, mieux considérés, en tant que personnes citoyennes et responsables qui ont des choses à dire et des idées à faire entendre, et la logique de les placer comme co-acteurs de leur projet thérapeutique, et aussi des dispositifs de santé semble même être de plus en plus souvent une priorité.

    En tant qu’usagère en santé mentale, ayant pu voir évoluer beaucoup de choses en 30 ans, je ne devrais que m’en réjouir.

    Pourquoi, pourtant, ce scepticisme qui me fait dire qu’il y a encore loin de la coupe aux lèvres…

    Pourquoi, pourtant, régulièrement, ce sentiment aussi d’être instrumentalisée, même derrière des discours apparemment si soucieux des usagers… et même parfois de la part d’associations d’usagers !

    Alors je suis peut-être exagérément influençable et/ou trop sceptique face à des discours qui relèvent souvent, selon moi, d’un simple affichage (quand ce n’est pas plus démagogique…)… toujours est-il qu’il m’est nécessaire de fermer régulièrement mes écoutilles, sur l’utilité (ou l’absurdité) du traitement, l’existence (ou la non existence) des schizophrénies, la pertinence (ou non pertinence) des nouvelles thérapies « révolutionnaires », les conseils, qui se veulent encourageants, sur l’empowerment, le rétablissement et/ou l’inclusion sociale.

    Tout cela part pourtant de sentiments bienveillants. De la part d’acteurs, professionnels très souvent, qui semblent vouloir sincèrement faire avancer les choses.

    Alors pourquoi, parfois, ce ras-le-bol aussi bien envers ces psychanalystes qui ne jurent que par l’analyse, la responsabilité individuelle, le refus des diagnostics et étiquettes enfermantes, et ces scientifiques (scientistes) qui ne jurent que par les progrès de la science, le diagnostic, le DSM, la neuropsychologie, la prise en compte de la génétique…

    Je caricature volontairement, quoique.

    Pourquoi certains veulent-ils absolument convaincre que la seule thérapie actuellement efficiente et innovante est (barrer celles qui vous semblent en trop…) : la psychoéducation – les TCC – la psychanalyse – la remédiation cognitive – l’approche systémique – l’EMDR… et qui n’hésitent pas, pour cela, à descendre en flèche et avec agressivité les thérapies proposées par leurs confrères.

    Et d’autres encore de vouloir persuader de la nécessité d’une RQTH, d’un contrat aidé, d’un travail en ESAT, ou que sais-je encore pour pousser l’usager à s’insérer professionnellement (même s’il ne se sent pas prêt et encore trop fragile)… ou de l’importance de sensibiliser l’opinion publique en assumant au grand jour son trouble psychique pour faire bouger les préjugés (pourtant, ça se saurait si la transparence dans le milieu professionnel était utile…).

    Bien sûr, la majorité des professionnels ne font que suggérer. Disent respecter la liberté de choix de l’usager. Lui laisser faire son cheminement et ses choix lui-même, sans chercher à le convaincre à tout prix – même s’il semble prendre trop souvent à leur goût des chemins de traverses qui semblent rallonger son parcours (de rétablissement).

    Pourquoi ce sentiment aussi, que, derrière les discours d’ouverture dans certains forums ou autres rencontres, y compris des discussions virtuelles sur la toile, se glissent beaucoup de jeux (et d’enjeux) de pouvoir ? Et cette impression que c’est souvent à celui qui sera le plus convaincant, et le plus auto-persuadé de détenir « la » vérité ?

    Ce que je sais, à titre perso, c’est que c’est le concret qui me rattache à la vie ; le concret du quotidien, qui se fait dans les petits détails, et que les grands discours et échanges (auxquels je participe pourtant épisodiquement, et d’ailleurs parfois même avec plaisir), me paraissent alors… à côté de la plaque. En tout cas dérisoires, face à ce quotidien qui prend nécessairement toute la place, car tourné vers la vie.

    Ce que je sais, toujours en ce qui me concerne, c’est que j’ai besoin d’expérimenter, de tâtonner, de prendre mon temps parfois, d’aller vite aussi parfois. Et que ce « timing » désordonné que je choisis m’est nécessaire.

    Ce que je sais, et que j’assume, c’est mon ambivalence, qui me fait parfois penser tout et son contraire (sur, au choix, l’utilité du diagnostic, d’un traitement à vie, d’un travail à temps plein, d’un militantisme, d’un « coming out »… et que sais-je encore).

    Ce que je sais aussi, c’est que je ne me reconnais pas, ou si peu, dans les associations qui prétendent pourtant me représenter. Sans pour autant les pointer du doigt, puisqu’elles font, ont fait, aussi avancer les choses (cf. loi de 2005 et le développement des GEM), et assumant le fait de ne jamais réussir à me reconnaître dans une structure, quelle qu’elle soit. De même que je ne me sentirais, personnellement, ni vocation à être un modèle de rétablissement (ce qu’on demande souvent aux pair-aidants), ni vocation à être militante… et à parler notamment « au nom des autres » (à quel titre ? sous quelle légitimité ?…)

    Ce que je pense, de manière intuitive, c’est que le processus de rétablissement, pour moi comme pour les autres, ne peut être que singulier. Et que même si j’accepte et reconnais des appuis extérieurs, c’est une histoire, une négociation ou un combat parfois, entre moi et moi.

    Je pense aussi que c’est illusoire de penser qu’on a vaincu définitivement la maladie, et suis également persuadée d’ailleurs qu’on commence à aller mieux quand on sort des raisonnements binaires sur le fait de se reconnaître « guéri » ou pas.

    Moi je veux vivre au mieux ma vie au quotidien. Point.

    Cela semble simple. C’est pourtant un challenge.

    Au-delà de ces évidences, au-delà du fait que ce qui marche pour soi ne marche pas forcément pour l’autre… et qu’il faut être d’ailleurs attentif, à mon avis, au fait de ne surtout pas se positionner comme « modèle », ou encore pire comme « sauveur » vis-à-vis de ses pairs (cf. le risque qui peut exister dans la pair-aidance), je pense qu’à chaque jour – souvent – suffit sa peine. Et que certaines de ces journées nécessitent d’avoir la tête vide de toutes ces questions (questionnements…).

    Je pense, je suis même sûre et certaine, que chacun a son parcours propre, fait probablement d’ambivalences, d’allers et retours, d’essais, parfois infructueux, pour aller mieux.

    Peut-être que le rétablissement, ça serait d’accepter la vie telle qu’elle est, avec ses hauts et ses bas, ses fluctuations, ses mouvements (cf. aussi le modèle de marée qui utilise l’océan comme métaphore), et donc ses périodes où on va mieux, voire bien, et ses périodes (rechutes ?) où on va mal, voire très mal ?

    Et d’accepter aussi que sur le terrain de la santé mentale, et de l’humain, on sait et connaît peu de chose, voire pas grand-chose, même s’il paraît quasiment chaque semaine un nouvel article se vantant de la découverte d’une corrélation entre x et y pour expliquer tel trouble (ce que j’ai tendance, lorsque je suis de mauvais poil, à appeler les #StatsALaCon…). Et qu’après tout, c’est peut être rassurant de se dire qu’on n’en a pas fini avec la complexité de l’humain.

    Pour finir, j’ai en mémoire cette phrase de l’écrivain Imré Kertesz : « la plus grande des désobéissances c’est de vivre sa vie ». Alors mon ambition à moi, jugée peut-être par certains comme dérisoire, mais jugée par moi comme exigeante et essentielle, c’est de vivre ma vie, dans sa simplicité, avec ce qu’elle comporte de mouvements, de plaisirs et de souffrances, de bonheurs et de malheurs, plus ou moins grands, importants, envahissants, avec ce qu’elle comporte évidemment d’incertitudes. Une vie parmi d’autres, irremplaçable.

    https://www.solidarites-usagerspsy.fr/2016/03/15/le-r%C3%A9tablissement-et-la-place-donn%C3%A9e-aux-usagers-en-sant%C3%A9-mentale

Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.