Toutes mes réponses sur les forums

Affichage de 1 message (sur 1 au total)
  • Auteur
    Articles
  • en réponse à : Témoignages à propos de la conférence du 25 mars 2016 #2445
    HAUTEFEUILLE
    Participant

    Je suis une femme bipolaire avec trente-huit ans d’expérience psychiatrique derrière elle.

    C’est une expérience en effet  de se mesurer à Dieu en affrontant les cimes et  s’identifier  « au rien » en dévalant les abîmes. C’est une expérience, de vivre sans désir de vivre.

    Le rétablissement serait d’avoir retrouvé le désir de vivre, d’avoir des projets. Et d’en réaliser au moins quelques-uns.

    Le rétablissement serait de ressentir la maladie comme étrangère à soi, lointaine, ancienne.

    Le rétablissement voudrait dire ne plus vivre figée dans le temps comme dans les années de la désolation.

    Le rétablissement serait un renoncement. J’ai dû renoncer à ce qui n’était pas fait pour moi. Et que jusque là, je n’avais pas reconnu comme tel. Renoncer au désir de gloire, de perfection, renoncer à aimer l’amoureux qui m’ignore, le travail qui me surmène,  renoncer au désir d’être plus forte que moi-même, etc.

    Le rétablissement deviendrait en devenant. Il commencerait dès que commence le soin (ou l’acceptation de la maladie, les deux souvent ne coïncidant pas).

    Et sur le chemin de ce devenir, il y aurait  les autres avec qui le contact n’est pas facile mais que l’on cherche à établir. Cette quête de l’autre, on pourrait l’appeler la voie du rétablissement, la voie de la liberté.

    Aujourd’hui je conduis notamment un atelier d’écriture où j’accompagne l’expression de personnes présentant des troubles psychiques. L’atelier se déroule dans un lieu privé. Des participants venus d’associations d’usagers pour la plupart suivent cet atelier une fois par semaine. Je n’éprouve plus le besoin de me justifier, de me sentir légitime, je me présente « gagnante ». Voilà quelque chose de l’ordre du rétablissement.

    Pourtant rien ne redeviendra comme avant. Avant la première hospitalisation qui a brisé ma jeunesse. En ce sens, je ne me rétablirai pas. Se rétablir comme retomber sur ses pieds après un grand saut dans le vide. Il y a une grande nostalgie dans ce désir de rétablissement. Et je pense encore à ce que j’ai perdu.

    Mais mon état de santé s’est nettement amélioré. J’ai accepté d’avoir été malade, j’accepte de n’être plus malade. À l’heure où j’écris.

    De fait, le rétablissement c’est « vivre avec » ce qui se présente. Sans rancœur. Le plus sereinement possible. Que le germe de la maladie soit toujours là, que cette maladie soit comme une chose à laquelle je tiens finalement, qu’elle puisse germer à nouveau, ne m’empêche plus aujourd’hui de vivre, de réaliser des projets comme écrire des livres, de comprendre que dans l’altérité il y a la liberté.

    Et le fait d’écrire sur le rétablissement, n’est-ce pas la plus belle preuve de rétablissement ? Merci à tous ceux qui ont témoigné le 25 mars, et aux organisateurs de ce forum, grâce à eux, grâce à vous, j’ai pu faire le point, écrire ces lignes et partager la joie de rétablissements avérés.

    Brigitte Hautefeuille :

Affichage de 1 message (sur 1 au total)